Rapport du président
{{Un processus irréversible}}
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Autant dire que tous les métiers de l’imprimerie vont subir des bouleversements et vont être attaqués.
L’attaque menée aux conditions de travail de l’ensemble de la classe ouvrière sous le couvert de la crise est doublée dans l’imprimerie d’une attaque spécifique due à ces transformations technologiques.
Le patronat prévoit en effet que 35 % des postes de travail vont encore disparaître !
En mai 77, nous avons signé un contrat collectif qui ne prévoit strictement rien sur cette question. Autant dire que si nous nous en tenons à cette signature le patronat rationalisera tranquillement d’ici 1980 et nous serons mis devant des faits accomplis: les métiers de l’imprimerie auront été réduits à la portion congrue et les travailleurs bénéficiant d’une qualification risqueront bien de se trouver chômeurs ou complètement déqualifiés, Le contrat collectif, dans un tel cadre, n’aura plus aucun sens !
C’est un fait qu’avec les nouveautés techniques, les contours traditionnels des métiers de l’imprimerie deviennent beaucoup plus flous. C’est également un fait que le patronat en profite pour attaquer les acquis: niveau salarial, définition des professions, etc.
Le premier réflexe défensif des travailleurs a été de rejeter les personnes sans qualifications venant faire du travail traditionnellement réservé aux typographes, spécialement sur les claviers TTS. Le syndicat a été déchiré entre deux attitudes: soit le rejet des travailleurs non qualifiés, soit leur intégration en créant de nouveaux statuts de semi-qualifiés.
{{Une classe salariale nouvelle était née.}}
S’il était juste d’intégrer ces travailleurs ou travailleuses il était faux de ne les intégrer qu’à moitié. Le statut de semi-qualifié était en effet une demi-intégration.
Le prix moins élevé de cette main-d’oeuvre met maintenant en danger les postes des clavistes qualifiés. Ce phénomène est encore accentué par l’introduction de nouvelles classes salariales pour les jeunes sortant d’apprentissage.
On constate maintenant qu’il y a déjà dix ans que sur le principe le syndicat a perdu la bataille : c’est en effet en 1968 que le statut de semi-qualifié a été créé.
Deux contrats plus tard, en 1975, le travail de grignotage était complété avec l’introduction de la nouvelle classe salariale pour les jeunes sortant d’apprentissage. On trouve maintenant des typographes qualifiés employés sur clavier TTS qui ont un salaire de 2014 francs alors que le minimum contractuel normal est de 2700 francs !
Or, la défense de la «profession» n’est intéressante que dans la mesure où elle correspond à une défense d’acquis. On le voit, ces acquis ont déjà été entamés, et même sérieusement entamés.
Ceci est un facteur de division parmi les travailleurs de l’Imprimerie.
La grève faite en avril 1977 a prouvé qu’il était possible de gagner face au patronat. Tout récemment encore la mobilisation des lithographes a contraint le patronat à étendre ce que les affiliés à la FST avaient acquis en 1977 à l’ensemble des travailleurs de l’imprimerie.
A ce propos on ne peut que regretter que nos camarades lithos aient signé un contrat de 4 ans. Pour eux aussi, les bouleversements techniques risquent bien d’être sans réponse.
Depuis la grève de 1977, nous avons attendu que nos instances nationales donnent des orientations sur la question des nouveautés techniques. Rien n’est venu !… Il faudra donc que les sections prennent les choses en mains parce que c’est maintenant qu’il faut réagir. En1980 ce sera trop tard parce que tout risquera bien d’être dit, si ce n’est pas dans le contrat ce sera dans la réalité des entreprises. Pour un syndicat qui se respecte, c’est cette réalité qui doit dicter ses rythmes et non des signatures de contrat tous les 2, 3 ou 4 ans.
Il faudra donc que nous réussissions, d’une manière ou d’une autres, à obtenir une protection efficace des travailleurs de l’imprimerie. Pour ce faire nous devons d’urgence fixer les grandes lignes d’un accord cadre autour duquel nous pourrons nous battre. Cet accord cadre doit:
1. Garantir les emplois de tous les travailleurs de l’imprimerie.
2. Garantir les conditions de travail et même aller vers la suppression des inégalités de traitement pour un travail identique.
3. Garantir le recyclage aux frais des entreprises.
4. Aller vers une définition précise des professions de l’imprimerie.
De plus nous devons nous battre pour créer des conditions générales permettant le moins possible au patronat de restreindre les places de travail par un rythme forcené de rationalisation; pour ce faire nous devons agir sur deux axes :
1. Augmenter les salaires et obtenir le plein 13e mois.
2. Diminuer les horaires de travail suffisamment pour créer de nouveaux
postes de travail.
Certains douteront du caractère «réaliste» de tels postulats! Pourtant, si l’on n’agit pas sur les deux aspects l’accord cadre et les augmentations de salaire plus la diminution de l’horaire de travail, l’on participera inconsciemment à créer les conditions permettant au patronat de démanteler les professions de l’imprimerie et de diminuer radicalement le nombre de postes de travail en augmentant les rythmes de travail. Ce qui est réaliste c’est de formuler nos revendications et de mener notre lutte en regardant bien en face la réalité qui nous est imposée par le patronat et non en nous soumettant aux critères de rentabilisation et de profit que recherche le patronat.
Cette réalité, les travailleurs des arts graphiques en France, en Italie, en Allemagne ont dû la reconnaître et se battre pour préserver leurs droits, nous devrons faire de même en Suisse. Nous devrons tout faire pour étendre cette lutte au plan national, mais nous ne devrons non plus être comme les moutons de Panurge: suivre aveuglément le gros de la troupe surtout si cela signifie partir à l’abattoir tous ensemble! Je suis, quant à moi, persuadé qu’en nous battant là où nous sommes, nous servons les intérêts de l’ensemble des travailleurs en Suisse.
C. TIREFORT