Berne, le 24 mai 2019
résolution de l’ASSEMBLÉE DES DÉLÉGUÉ-E-S DE L’USS
[*Protéger les personnes qui s’engagent !*]
En Suisse, une véritable protection contre les licenciements abusifs est quasi inexistante dans le Code des obligations(CO). Lorsque des salarié·e·s actifs au niveau syndical s’impliquent dans les négociations de CCT, lorsque des membres d’une commission du personnel ou d’un conseil de fondation d’une caisse de pension posent des questions qui dérangent, ou quand une employée dénonce une irrégularité, les conséquences sont souvent terribles: la personne est licenciée. Quand elle n’est pas poussée, par du harcèlement psychologique («mobbing»), à quitter «volontairement» l’entreprise. De tels licenciements sont en principe abusifs. Mais l’article336a, al. 2 du Code des obligations, qui devrait empêcher ces licenciements abusifs, est un tigre de papier. Dans la pratique, il s’avère sans effet.
Le Code des obligations est inopérant, car:
-* le droit actuel prévoit une indemnité maximale à hauteur de six salaires mensuels pour les employé·e·s licenciés abusivement, peu importent les moyens économiques de l’entreprise ou la gravité de l’injustice (du tort) liée au licenciement abusif;
-* des études montrent que la majorité des salarié·e·s licenciés abusivement n’obtiennent devant les tribunaux qu’une maigre indemnité de deux à trois mois de salaire, même dans les cas où le licenciement est associé à du harcèlement psychologique. La plupart des employeuses et employeurs payent cela avec la petite caisse;
-* un réengagement est impossible, même lorsque l’employé·e le souhaite expressément;
-* le fardeau de la preuve pour un licenciement abusif est porté par l’employé·e. L’employeuse ou employeur peut donner l’argument alibi de «licenciement économique» pour se débarrasser d’un·e employé·e indésirable;
-* selon la loi sur le travail, l’employeuse ou employeur est tenu d’agir préventivement pour empêcher le harcèlement psychologique et les autres risques psycho-sociaux. Mais ces facteurs sont bien plus rarement contrôlés par les inspectorats du travail que les risques plus «classiques».Les personnes «mobbées» et harcelées ont souvent peur de s’adresser aux inspectorats du travail, car elles pourraient se voir licenciées.
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[*Le droit suisse n’est pas conforme aux droits fondamentaux*]
Il est évident qu’un véritable partenariat social, d’égal à égal, n’est pas possible si on a constamment l’épée de Damoclès d’un licenciement potentiel. L’art. 336a, al. 2 CO n’est ni efficace ni en mesure d’assurer une protection.En 2004, l’Organisation internationale du travail (OIT) l’avait déjà signalé auprès du Conseil fédéral après une plainte de l’USS pour non-respect de la liberté syndicale. Depuis, il ne s’est rien passé. C’est pourquoi l’OIT a placé cette année la Suisse sur la liste
noire des cas de non-respect des conventions de l’OIT en raison de son absence de protection contre les licenciements abusifs.
Pas d’amélioration non plus protection dans la protection des lanceurs et lanceuses d’alerte, au contraire: dans le projet catastrophique présenté au Parlement par le Conseil fédéral, la protection de ces personnes est même affaiblie. Ce projet doit être rejeté sans hésitation.
Une personne qui défend les autres doit être protégée !
Il est donc grand temps que la Suisse se dote d’une nouvelle législation efficace contre les licenciements abusifs. Un droit qui serait réellement dissuasif pour les employeuses et employeurs pas corrects.
Il faut pour cela adapter l’art. 336a, al. 2 du Code des obligations. Les délégué·e·s de l’USS exigent les modifications suivantes:
-* Les licenciements de représentant·e·s des salarié·e·s ainsi que deslanceurs et lanceuses d’alerte sont nuls, sauf s’il y a autorisation des tribunaux ou des inspectorats du travail, comme c’est le cas dans les pays voisins.
-* Pas de licenciement pour «motifs économiques» de toute personne élue comme représentant·e du personnel ou de lanceurs et lanceuses d’alerte.
-* Une indemnité financière appropriée, qui peut aller jusqu’à 24 mois de salaire en fonction de la gravité du cas, si la personne concernée ne souhaite pas être réengagée.
-* L’inversion, respectivement un allègement du fardeau de la preuve du caractère abusif d’un licenciement.
-* Les délégué·e·s de l’USS exigent aussi qu’une meilleure protection des représentant·e·s du personnel, des délégué·e·s syndicaux et des lanceurs et lanceuses d’alerte soit inscrite de façon standarddans les CCT.
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Par ailleurs, des mesures de prévention doivent être mises en place contre le harcèlement psychologique et d’autres formes de harcèlement dans les entreprises. Les délégué·e·s de l’USS exigent les mesures suivantes:
-* Les inspectorats du travail contrôlent systématiquement les cas de harcèlement psychologique et d’autres formes de harcèlement ainsi que l’existence de mesures préventives au sein de l’entreprise. Le SECO édicte des lignes directrices appropriées et forme les inspecteurs et ins-pectrices.
-* Les inspectorats cantonaux du travail mènent une campagne dans toute la Suisse contre le harcèlement psychologique et les autres formes de harcèlement et mettent en place une ligne téléphonique d’urgence («hotline»).
-* Des mesures de prévention et des organismes indépendants contre le harcèlement psychologique et les autres formes de harcèlement doivent être intégrés automatiquement dans la solution de branche MSST par la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail (CFST)et doivent obligatoirement être en place lors des (re-) certifications.
-* Des mesures contre les risques psychosociaux, le harcèlement et les autres risques pour la santé psychique sont inscrites de façon standard dans les CCT par les syndicats.
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114.5 LC/én