Je crois d’intérêt syndical d’attester dans cette rubrique «Les Tribunes» , par la publication de cet article, la capacité créatrice des travailleurs du livre…
La sous Commission ouvrière de la Tribune de Genève (sCO), s’appuyant sur les articles de la Convention collective de l’imprimerie et notamment ses articles{ «Paix du travail alinéa 3 – les parties ont la possibilité d’exercer leur devoir de solidarité. Elles s’engagent toutefois à permettre la parution des journaux en toute circonstance, quelle que soit leur tendance.»} et{ «Liberté de la presse – Les parties contractantes reconnaissent la liberté de la presse. Il est dès lors interdit de modifier le contenu intellectuel d’un imprimé.» } avait décidé de faciliter la publication de «Pouvoir dire» en convainquant la direction* de l’entreprise de permettre sa confection bénévole par les ouvriers (metteur en page + monteur offset + imprimeur + massicotier et relieur) et de fournir les matières premières et l’énergie à cette effet.
Le comité de rédaction du tract tiré à 15’000 exemplaires accepta d’insérer en page 4 la contribution d’un membre de la sCO et l’entre-filet suivant:
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{La fabrication de ce journal a été assumée bénévolement ; pour la composition par Diane Gilliard, pour le montage et l’impression par des ouvriers de La Tribune de Genève en ses locaux mis à disposition.
Les articles sont sous la responsabilité des auteurs.}
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[*Domination sociale : contrainte, torture, «disparitions»…*]
Dans les plus vieilles organisations sociales,la tribu ou le clan, les hommes ne connaissaient pas d’autres contraintes que celles de trouver à manger pour vivre. Avant la première division du travail, le clan vainqueur d’un autre s’en assimilait les membres. Tous avaient les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Lorsque la productivité de l’homme lui permit de produire plus que ce qui était nécessaire à son propre entretien, il devient intéressant de guerroyer pour se faire des esclaves et s’approprier leur sur-travail. La tribu peut faire des réserves pour prévenir les disettes et les surplus permettent de détacher certains de ses membres à d’autres tâches que celles de la quête de nourriture. C’est alors qu’apparaît la première division de la société, la division du travail en travail manuel et travail intellectuel. Pendant que certains produisent les biens nécessaires à tous. d’autres accumulent du savoir et s’exercent au commandement. Le chef jusqu’ici élu ne l’est plus. Avec les développements de la production il ne lui faut plus faire la preuve jour après jour qu’il est le plus fort, le plus intelligent, le plus sage pour conduire la société. Simultanément, la femme qui jusqu’alors était l’égale de l’homme parce qu’elle contribuait au moins de manière équivalent à la survie de la tribu, se vit dépossédée de ses moyens. Les armes nouvelles autorisèrent la chasse sans son concours, les outils permirent le défrichement et le travail de la terre, éliminant ainsi la cueillette. L’homme devient naturellement propriétaire des outils et du bétail et la femme reste propriétaire des ustensiles de cuisine, de ménage.Le travail manuel et la femme s’en trouvèrent socialement dominés.
Depuis, les sociétés organisées sur un rapport de production marchande ont vu les êtres humains traités comme des bêtes, vendues, achetées, mises à mort. Les hommes et les femmes occupés à la fabrication de toutes les choses indispensables à la vie furent considérés comme des marchandises, comme des machines. Aujourd’hui encore une très grande majorité des êtres humains vivent sous la contrainte, ils sont dominés par les richesses qu’ils créent et dont ils ont été dépossédé par ceux qui ont dirigé – qui dirigent- les systèmes d’exploitation successifs de l’esclavage,du servage,du salariat. Pour maintenir les producteurs dans leur état de dominés,les sociétés ont utilisé tous les moyens de répression à commencer par la torture, l’obscurantisme religieux ou philosophique, les armées permanentes, etc.
{{La torture : un des moyens }}
En 1983, tous les Etats ne pratiquent pas la torture ou la disparition; ils ont tous néanmoins trouvé d’autres formes de contraintes pour maintenir le pouvoir et la domination des classes exploiteuses. Cependant lorsque les contradictions sociales sont si tendues qu’elles éclatent dans la rue, dans les usines, etc. alors le fantôme de la torture se matérialise aussi dans les pays les plus «civilisés». La torture est la forme de la violence de classe la plus abominable, inhumaine; même pas animale. Elle est souvent [‘ultime recours des gens de pouvoir pour maintenir leurs privilèges et leur domination sur les autres membres de la société. Ceux qui condamnent la torture doivent aussi condamner les sociétés qui par elle et par toutes les autres contraintes asservissent les producteurs, affament les deux tiers du monde. De plus, il est nécessaire de réaffirmer que l’opposition aux régimes de l’oppression ne doit jamais s’autoriser à utiliser les mêmes moyens: torture, exécutions sommaires, attentats de masse. Rien ne légitime d’un côté comme de l’autre les violences physiques et psychiques destinées à (faire souffrir, à réduire un être humain au néant par l’humiliation, la peur, la torture ou la folie.
On nous parle de la disparition d’hommes, de femmes et d’enfants. Mais nous ne devons pas oublier que les gouvernements qui font disparaître des personnes sont aussi de ceux qui tentent par tous les moyens à faire disparaître les acquis sociaux, la liberté de réunion, de presse, les syndicats. Pour se faire et pour liquider les opposants ils utilisent soit un code pénal autorisant l’arrestation préventive pour des idées, des intentions: c’est le délit d’opinion; soit l’internement psychiatrique, soit la«disparition» physique des opposants, ou encore l’interdit professionnel et la marginalisation par le chômage.
Il faudra bien que nous nous décidions une fois à répondre au système de la disparition en faisant disparaître ce système, celui de l’exploitation et de la domination des producteurs de tous les continents.
Un ouvrier typographe.