Sélectionner une page

[/Genève, le 20 décembre 2023./]

Le 13 octobre 2023, au 19h30 de la RTS, Madame Delphine Horvilleur, rabbin en France, a témoigné de son émotion suite à l’attaque du Hamas du 7 octobre, en disant notamment « on y assassine des bébés qu’on égorge ».

Or, depuis le 10 octobre au moins, on savait, notamment par le Service Checknews de [Libération->https://www.liberation.fr/checknews/israel-dou-vient-le-chiffre-de-40-bebes-tues-et-parfois-decapites-par-le-hamas-a-kfar-aza-20231010_W57JMWPRV5DS7N2WU66MPRVBWI/?redirected=1&redirected=1], que l’annonce de l’existence de bébés égorgés trouvés dans le kibboutz Kfar Aza était une information fausse ou au moins présentée sans preuve et non confirmée.

[->doc785]La journaliste du 19h30 aurait dû, selon nous, corriger cette information des « bébés égorgés » au moment de l’interview, au moins par une phrase type lui laissant la responsabilité de ses allégations « qui ne sont pas confirmées », afin de ne pas la laisser passer pour vraie.

En effet, l’art. 4 al. 1 de la LRTV stipule qu’au regard des exigences minimales quant au contenu des programmes, toute émission se doit de ne pas banaliser la violence ni contribuer à la haine raciale. De plus, son al. 2 pose le principe de la présentation fidèle des évènements, pour permettre au public de se faire sa propre opinion. L’information des bébés égorgés comporte une violence énorme car elle est d’un degré d’horreur absolue qui met en cause notre humanité.

Du fait du choc traumatique qu’elle véhicule, elle contient une puissance colossale en termes d’impact sur le public. Elle éveille un sentiment de peur panique qui ne peut que contribuer directement à la haine raciale. Elle influe sur les émotions du public d’une manière qui entraîne l’annihilation de sa pensée critique.

De plus, l’image de bébés égorgés fait directement référence, dans l’imaginaire occidental, aux atrocités commises dans le passé par l’État islamique et, en quelques heures, elle est capable de créer un présupposé moral, en fait d’« acheter le climat » du public, par déshumanisation, l’ouvrant à l’esprit de vengeance.

Elle est d’autant plus dangereuse qu’elle peut être directement liée à la propagande israélienne. En effet, l’annonce des bébés égorgés a été faite le 10 octobre en milieu de journée par des militaires israéliens dont l’identité est connue. Elle a été relayée depuis le kibboutz Kfar Aza par une source unique, i24News, média connu pour sa proximité avec la droite israélienne, puis immédiatement diffusée sur le compte twitter de l’État israélien, et
reprise par le Président Joe Biden.

Aucune légèreté ni désinvolture n’aurait dû entacher le traitement de cette information. C’est pourtant ce qui s’est produit au TJ du 13 octobre, par omission de corriger une information donnée par un témoin, ce dont nous nous plaignons.

A cette date, et alors que la presse internationale s’était beaucoup inquiétée de la véracité de l’information, elle n’avait pas pu en obtenir confirmation de la part des principales autorités suivantes :

-* Le 10 octobre de l’armée israélienne,
-* le 11 octobre de la Maison Blanche, qui infirme que Joe Biden ait vu des photos de bébés égorgés ni eu des informations confirmées à ce [sujet->https://nypost.com/2023/10/11/biden-ive-seen-pictures-of-terrorists-beheading-children-in-israel/],
-* le 12 octobre de CNN, qui dément sa propre information de la veille, selon laquelle des bébés ont été retrouvé décapités, avec ses [excuses->https://www.trtafrika.com/fr/world/la-journaliste-de-cnn-qui-a-defendu-les-revendications-de-bebes-disrael-sexcuse-15391157].


_

L’affaire des « bébés égorgés » pouvait donc, le 13 octobre, être considérée comme non acquise. Nous estimons que la violence de cette information ne devait pas être banalisée dans le 19h30 ce jour-là. Nous savons qu’elle a été formulée par un témoin dont on ne s’attendait pas à l’objectivité. Mais nous pensons qu’il était du devoir de la journaliste qui l’interrogeait pour le compte de la RTS, qui relève du service public, de rétablir les faits afin qu’ils ne passent pas pour acquis.

Près de six semaines plus tard, le 21 novembre, la direction de la RTS me répond via l’organe de médiation que « nous ne disposions pas (et ne disposons toujours pas) d’éléments probants confirmant ou infirmant la référence de Madame Horvilleur. » Durant tout ce temps, une information d’une telle violence a-t-elle été jugée d’importance suffisamment secondaire par la RTS pour qu’elle n’ait pas cherché d’« éléments probants », pourtant largement discutés dans les médias, pour l’analyser ? De plus, au 21 novembre, aucune information n’avait été confirmée, ne concernant même qu’un seul bébé égorgé.

Pourtant, le phénomène critiqué ici s’est reproduit, peut-être à des occasions qui nous ont échappé, mais en tout cas dans « la matinale » de la RTS du 19 décembre, où à nouveau un témoin a parlé de ces « bébés égorgés » sans que la journaliste le corrige.

Aujourd’hui, on sait qu’aucun bébé n’a été égorgé le 7 octobre. Nous sommes inquiets de la banalisation de cette affaire pratiquée par la RTS.

L’information des bébés égorgés était déjà, le 13 octobre, acquise comme non confirmée. Le travail journalistique de présentation fidèle des évènements, relevant d’une vérification journalistique à l’œuvre, a fortiori s’ils sont particulièrement violents, nous semble de grande importance.

Delphine Bordier
23 av. du Devin-du-Village
1203 Genève

et les cosignataires de cette plainte populaire