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Adresse de correspondance :
Fonction : Cinéma
Aude Vermeil, Directrice
Maison des Arts du Grütli
16, rue Général Dufour
1204 Genève
[/À l’attention de
Monsieur Alain Berset
Président de la Confédération
Département fédéral de l’intérieur DFI Secrétariat général SG-DFI Inselgasse 1
3003 Bern
Et de
Monsieur Albert Rösti
Conseiller fédéral
Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication DETEC
Palais fédéral Nord
3003 Berne/]
Genève, Lausanne, Zürich, Berne, Ollon, Savosa, Bâle, le 30.09.2023
{{{***Concerne: Initiative «200francs, ça suffit ! (initiativeSSR)»}}}
[
Monsieur le Président de la Confédération, Monsieur le Conseiller Fédéral,
L’initiative populaire fédérale nommée « 200 francs, ça suffit ! (initiative SSR) » a été déposée en août dernier auprès de la Confédération.
Le Conseil fédéral doit en conséquence déterminer d’ici au 15 novembre sa position face à cette proposition de changement de la loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV).
Par la présente, nous vous faisons part de notre vive inquiétude sur cette nouvelle attaque contre un service public qui est fondamental pour le maintien de notre cohésion nationale. En effet, les conséquences de ce changement de loi souhaité par les initiateur·rice·s infligerait à la SSR une perte de ressources de plus de 600 millions de francs suisses par an.
C’est d’abord en tant que simples citoyen·ne·s que nous nous inquiétons des conséquences de cette initiative si elle devait être mise en œuvre : priver la SSR de plus de la moitié de ses revenus ne lui permettrait certainement pas de rester un groupe de chaînes de télévision et de radio généralistes avec des contenus différenciés pour les trois régions linguistiques, ni de continuer de jouer son rôle essentiel de ciment culturel, social et politique pour notre pays multiculturel.
Le service public est soumis à un contrôle efficient quant à la vérification des sources d’information qu’il délivre et il lui incombe également de donner de la visibilité à l’ensemble des acteur·rice·s qui animent notre société, sans que sa grille de programmes ne s’établisse seulement en fonction des taux d’audience de ses émissions. Ces tâches ne sauraient être accomplies par le secteur privé, ce dernier obéissant à une logique commerciale incompatible avec les missions que l’on exige d’un service public.
Nous constatons que dans les pays voisins où les chaînes de télévisions publiques ont déjà été affaiblies, les dégâts engendrés sont patents : la majorité des acteur·rice·s privé·e·s qui ont profité de ce déclin programmé avaient clairement un agenda électoral et politique partisan.
L’enjeu crucial que sous-tend cette initiative est bien le maintien ou non des équilibres démocratiques de notre pays.
La population suisse est très attachée à la défense de sa démocratie et à son service public audiovisuel (l’initiative « No Billag » a été largement refusée par les citoyen·ne·s en 2018). Mais dans cette nouvelle attaque qui cible la SSR, les initiateur·rice·s mettent dans la balance la question du pouvoir d’achat des citoyen·ne·s en période de forte inflation et les initiateur·rice·s laissent croire que la SSR pourrait conserver ses trois antennes régionales avec la moitié de son budget. Nos concitoyen·ne·s pourraient être tenté·e·s de prendre pour argent comptant ces assertions et c’est ce qui est particulièrement inquiétant.
D’autant plus que la potentielle économie de 135 francs suisses pour les ménages est discutable. En effet, les programmes qui disparaîtront de la grille de la SSR seront repris par des acteur·rice·s privé·e·s qui, si l’on examine les pratiques de l’industrie, s’appuieront sur des services payants. L’économie des 135 francs suisses par année sur l’actuelle redevance sera absorbée par les abonnements à des groupes privés – très probablement non suisses -, que les téléspectateur·rice·s devront payer. Nous pensons ici en particulier à l’accès aux diffusions du sport, ainsi qu’aux séries et aux films de fiction générant le plus de recettes publicitaires, dont la SSR serait de surcroît privée en plus de sa perte sur la redevance.
Nous avons la conviction que, contrairement aux affirmations des initiateur·rice·s, la privatisation coûtera in fine plus cher aux citoyen×ne×s et renforcera la mainmise de grands groupes étrangers sur notre territoire.
Étant les représentant·e·s des milieux indépendants qui œuvrent dans la création cinématographique et audiovisuelle, nous sommes d’autant plus préoccupé·e·s par cette initiative.
En effet, la SSR est un des trois piliers essentiels du financement de la création cinématographique et audiovisuelle indépendante suisse. Elle joue en outre un rôle contractuel particulier avec la branche en tant que diffuseur. Grâce à ses engagements financiers et à la garantie de diffusion des œuvres, elle rend possibles des coproductions avec d’autres acteurs internationaux. Sans ces coproductions, la majorité des films suisses ne pourrait pas obtenir les budgets nécessaires à leur réalisation.
Priver la SSR de la moitié de son budget aurait non seulement un impact destructeur sur des emplois directs au sein des unités d’entreprises, mais également sur des milliers d’emplois indirects, étant donné que de nombreuses sociétés de productions, de prestataires de services du secteur cinématographique et audiovisuel, dépendent de leur collaboration avec la SSR.
Par ailleurs, la branche bénéficie d’accords-cadres avec la SSR (à l’instar du Pacte de l’Audiovisuel), certes toujours perfectibles, mais qui ont le mérite d’exister et de conférer un minimum de visibilité et de stabilité aux productions indépendantes. Faut-il encore relever que ce sont elles qui garantissent l’existence de créations audiovisuelles nationales, qui incarnent et reflètent la diversité de l’identité multiculturelle si riche et particulière de la Suisse ?
Notre secteur est un écosystème complexe. La création indépendante souffre déjà de sous-investissements chroniques. Pour ne relever ici qu’un aspect du problème, l’inflation est aussi subie de plein fouet depuis deux ans par la branche, sans que les pouvoirs publics (régions, OFC) et la SSR n’aient adapté leurs aides à cette nouvelle réalité.
Ainsi, la mise en œuvre d’une telle initiative détruirait tout l’équilibre de cet écosystème d’ores et déjà fragilisé, puisque l’engagement d’un diffuseur national fort et crédible sur le plan de ses engagements contractuels est une nécessité dont la création culturelle suisse ne saurait se passer.
Affaiblir la SSR en la privant de la moitié de ses revenus reviendrait à mettre à genoux la création audiovisuelle indépendante de notre pays.
Nous ne pouvons pas imaginer que le Conseil fédéral puisse soutenir cette attaque brutale et extrême contre un service public plus nécessaire que jamais. Et c’est pour ces raisons que nous invitons l’ensemble du Conseil fédéral à ne pas soutenir l’initiative « 200 francs ça suffit (initiative SSR) ».
En vous remerciant par avance de votre attention, recevez, Monsieur le Président de la Confédération, Monsieur le Conseiller fédéral, l’assurance de notre haute considération.